Où l’on réalise que l’on a vraiment rien de spécial.

L'humanité a longtemps vécu dans l'illusion de son caractère exceptionnel. Mais par trois fois - au moins - la science a sévèrement démenti nos certitudes. C’est ce que Freud désigne comme les trois blessures narcissiques.
La Terre n’est pas le centre de l’Univers
En 1543, Copernic publie De revolutionibus orbium coelestium. En affirmant que la Terre tourne autour du soleil, il marque une rupture avec le système géocentrique qui plaçait la Terre au centre de l'Univers.
« La Terre, loin d’être le centre de l’Univers, ne forme qu’une parcelle insignifiante du système cosmique dont nous pouvons à peine nous représenter la grandeur. »

L'homme est un animal comme un autre.
Dans le récit biblique, l’homme est créé à l’image de Dieu. Les travaux de Darwin, notamment dans L’origine des espèces (1859), ébranlent cette perception en démontrant que l’homme et les autres animaux partagent des ancêtres communs.
L’humanité devient ainsi le fruit d’un long processus de sélection naturelle et de mutations génétiques, perdant ainsi sa position privilégiée dans la nature.
« La recherche biologique (...) réduisit à rien les prétentions de l’homme à une place privilégiée dans l’ordre de la création, en établissant sa descendance du règne animal et en montrant l’indestructibilité de sa nature animale. »

Le Moi n'est pas le maître dans sa propre maison.
La troisième blessure narcissique est infligée par Freud lui-même, avec la découverte de l’inconscient. Dans son ouvrage Introduction à la psychanalyse (1917), Freud décrit notre psychisme comme une maison où cohabitent trois forces :
- Le Moi : partie consciente de notre esprit, persuadée d’être aux commandes ;
- Le Ça : nos désirs primitifs, pulsions inconscientes et instincts refoulés ;
- Le Surmoi : notre conscience morale, héritée des normes éducatives et sociales, en grande partie inconsciente elle aussi.
Nos comportements résultent ainsi d’un dialogue (d’une lutte incessante ?) entre ces trois instances.
« Malgré toutes les apparences et les croyances, l'homme n'était jamais le souverain de son âme. »

À leur époque, chacune de ces découvertes a suscité de violentes résistances — certaines subsistent encore aujourd’hui. En nous confrontant brutalement à la réalité, les blessures narcissiques nous montrent à quel point il est difficile d’accepter des données ou des faits qui contredisent nos croyances profondément ancrées.
Ce mécanisme de résistance psychologique face à certaines vérités dérangeantes sera théorisé par le psychologue Léon Festinger à la fin des années 1950 sous le terme de dissonance cognitive. C’est précisément le sujet que nous explorerons dans le prochain épisode de Chercheurs de Nord.
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