Où l’on comprend que la vie de complotiste n’est pas toujours facile et pourquoi on se plante souvent quand on fait des travaux.

14.10.2025

4 minutes

Vous croyez sérieusement que Channing Tatum était le directeur de la mission Apollo 11 et que Scarlett Johannson en était la directrice de la communication ? (image du film To the moon, 2024)

On ne peut pas exclure que nous n’ayons jamais mis le pied sur la lune. Il suffirait, pour cela, que les 400 000 ingénieurs, techniciens et astronautes impliqués dans le programme Apollo aient tous accepté de mentir.

Que les images du décollage aient été tournées dans un hangar secret, sous la direction d’un Stanley Kubrick recruté par la CIA.

Que les milliers de journalistes présents au lancement aient été hypnotisés collectivement — ou remplacés par des acteurs.

Que les roches lunaires conservées dans les laboratoires du monde entier soient des faux - et que tous les scientifiques qui les ont analysés ne se soient rendu compte de rien.

Et qu’enfin, depuis un demi-siècle, aucun témoin, aucun technicien, aucun stagiaire, aucun voisin d’astronaute n’ait jamais eu la moindre envie de devenir célèbre en révélant la supercherie.

De la simplicité.

Au XIVe siècle, la scolastique tente de concilier la pensée scientifique grecque et la théologie chrétienne.  Elle aboutit souvent à des explications complexes, hautement spéculatives et truffées de concepts métaphysiques difficiles à éprouver. 

Pour le moine franciscain Guillaume d’Ockham, également philosophe et théologien, formé à Oxford, c’en est trop. Il énonce l’élégant principe suivant : 

Pluralitas non est ponenda sine necessitate
(les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité)

Le rasoir d’Ockham est également connu sous le nom de principe de parcimonie. 

Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?

Le rasoir d’Ockham est un principe de méthode, pas une règle du réel. Il ne dit pas comment sont les choses. Il propose un simple cadre de réflexion pour arbitrer entre plusieurs options.

D’abord hiérarchiser les hypothèses. Commencer par les moins coûteuses - c’est-à-dire les moins nombreuses et les plus probables. Ce n’est que si elles échouent à expliquer ou décrire une situation, qu’il faut alors considérer des hypothèses plus complexes ou improbables. 

Privilégier n’est pas disqualifier. Il est possible que le chauffard qui vous a coupé la route l’ait fait intentionnellement. Mais il est plus probable qu’il ait juste manqué d’attention.

« Tout doit être le plus simple possible, mais pas plus simple que ça. »
Albert Einstein (1934)

Le rasoir d'Ockham est une méthode de discernement à utiliser avec … discernement. Dans Le pouce du panda, le paléontologue Stephen Jay Gould avertit « […] les explications les plus simples ne [sont] pas toujours vraies dans notre monde aussi prodigieusement complexe […]. ». Le rasoir d’Ockham n’est pas une apologie de la simplification, mais une incitation à ne pas complexifier ce qui n'a pas lieu de l'être.

Le biais de division …  

Pour appuyer la recommandation d’Ockham, nous pouvons nous demander ce qu’il se passe lorsque nous faisons l’inverse. C'est-à-dire lorsque nous multiplions les hypothèses.

Le sociologue Gérald Bronner nous en offre une illustration amusante (À l’assaut du réel, p53). Il a posé le problème suivant à plusieurs centaines de personnes : 

Jean doit aller du point A au point B. Pour cela, il doit éviter 4 obstacles successifs. Il a 80% de chance d'éviter chacun des obstacles.
Combien a-t-il de pourcentage de chance d'arriver au point B en évitant tous les obstacles ?

Jean n'a que 40% de chances d'éviter tous les obstacles (0,8)4. Mais la plupart des répondants surestimaient significativement les chances de Jean. Une majorité considérait même qu’elles étaient de 80%.

Bronner attribue cette erreur au biais de division : lorsque le problème est complexe nous avons tendance à le diviser en sous problèmes, en oubliant leur interdépendance. 

… ou pourquoi les projets échouent.

Si cet exemple vous semble trop abstrait, ou que vous pensez qu’on ne vous la ferait pas à vous, transposons le à un sujet plus familier.

Vous achetez un bien à rénover pour y établir votre résidence principale. Supposons que vous ayez :
- 90% de chances d’obtenir votre prêt pour financer les travaux, 
- 80% de chances d’obtenir un devis conforme à votre budget,
- 90% de chances de ne pas tomber sur de l’amiante ou du plomb pendant les travaux,
- 85% de chances de ne pas découvrir des malfaçons pendant le chantier,
- 75% de chances que les travaux soient achevés avant que vous ne deviez rendre votre logement actuel,
- 85% de chances de ne pas avoir de dépenses imprévues à financer pendant le chantier,
- 95% de ne pas regretter votre achat.

Tout cela vous rend très optimiste. Vous vous attendez à ce que tout se passe bien.

Mais vous avez tort. Quelque chose va très probablement mal se passer. En réalité vous n’avez qu’une chance sur 3 que tout se passe bien (33,35% exactement).

Avec des si on mettrait Paris en bouteille. La multiplication des hypothèses conduit à l’émergence de tous les possibles. Elle augmente le risque d’erreur.

Là où ça devient très fort. 

Qu’on en commun la chute d’une pomme, le mouvement des planètes ou la dérive des galaxies ?

Leur apparente complexité est décrite par des lois d’une simplicité souvent déconcertante. Depuis Einstein, nous savons que la matière et l’énergie sont deux formes d’une même chose. Cela tient en 4 caractères : E = mc2.

Comme si la nature, elle aussi, aimait les explications économes et élégantes. 

« Il semble que la perfection soit atteinte non quand il n'y a plus rien à ajouter, mais quand il n'y a plus rien à retrancher. »
Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes, 1939.

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